La Grande Guerre vécue par d'illustres indriens

Les Mémoires

jean giraudoux

Jean Giraudoux (1882-1944)

Bien que né à Bellac, en Haute-Vienne, Jean Giraudoux est le plus connu des célèbres Indriens évoqués dans l'exposition de la Médiathèque, bien que Berrichon d'adoption.

Il fréquente les bancs de l'école de Pellevoisin où son père est nommé percepteur avant de poursuivre ses études au lycée de Châteauroux – futur lycée Jean Giraudoux – où il obtient son baccalauréat de philosophie en 1900. Même s'il quitte ensuite le département de l'Indre, il restera marqué par son passage dans le Bas-Berry.

Mobilisé en 1914 au 298e Régiment d'Infanterie, il est blessé à la Bataille de la Marne en 1914 puis aux Dardanelles en 1915. Il cesse alors d'être au front et reprend sa carrière de diplomate et d'écrivain. La guerre lui inspire trois principaux écrits : Retour en Alsace, août 1914 (1916), Lectures pour une ombre (1917) et Une nuit à châteauroux (1919) dont le manuscrit est conservé à la Médiathèque Équinoxe depuis 2008.

Ce document relié, d'une quarantaine de pages, écrit à l'automne 1918, évoque Châteauroux avant et pendant la Grande Guerre. Giraudoux y témoigne de son passage au début de la guerre mais également de ses souvenirs d’adolescent, alors élève au lycée de la ville. Publié en 1920 dans le recueil Adorable Clio, il reçoit les éloges de Marcel Proust en personne qui écrira : « Il n'y a pas une ligne dans ce livre de Giraudoux où je n'aie à admirer ».

lectures ombreLectures pour une ombre

manuscrit nuitManuscrit Une nuit à Châteauroux

marc michonMarc Michon (1893-1982)

Indrien de naissance, Marc Michon embrasse une carrière militaire dès 1912. Engagé comme soldat de 2e classe au 90e RI, ses qualités humaines et de combattant vont le conduire dans différents régiments et sur les champs de batailles les plus exposés pendant la guerre 14-18. Il sera blessé à la tête, le 24 mai 1915, par un éclat d'obus.

Suite à de nombreux problèmes de santé, il fait valoir ses droits à la retraite en 1930. Commence alors pour lui une nouvelle carrière d'écrivain, notamment pour les enfants. Il publie également sous le pseudonyme de Jean-Dominique Saint-Hilaire.

batisseurs pontLes bâtisseur de ponts
de Rudyard Kipling
Passionné de littérature et amoureux des livres, Marc Michon se lance un nouveau défi au milieu des années 1930. Victimes de la crise, les Éditions Mornay, spécialisées dans l'édition d'art périclitent. Avec l'appui de deux amis bibliophiles, il renfloue la maison d'édition, et en devient l'administrateur délégué tandis que Valère Bachmann en devient le directeur. Sous l'impulsion de cette nouvelle équipe, les Éditions Mornay, fidèles à leur renommée, sortent plusieurs beaux livres dont Les bâtisseurs de ponts de Rudyard Kipling, illustré par Deluermoz, Les filles de la pluie d'A. Savignon, illustré par M. Meheut, Psyché de Pierre Louys, illustré par Carlègle... Malheureusement, l'aventure s'achève brutalement avec la disparition prématurée de Valère Bachmann, tué au combat en 1940.

La « retraite militaire » de Marc Michon est également bouleversée par la Seconde Guerre Mondiale pendant laquelle la famille Michon trouve refuge à Guéret, dans la Creuse. C'est là que Marc Michon est arrêté par la Milice, avec 87 autres otages, avant d'être interné à la prison de Limoges.

À la Libération, Marc Michon choisit de demeurer en province et s'installe à Vatan, près de sa fille Colette, heureuse maman de bientôt onze enfants dont Nicolas Bouchard, né en 1962, qui deviendra l'auteur bien connu de romans de science-fiction, romans historiques et de Fantasy, et qui fut lauréat du Prix Guy Vanhor – Ville de Châteauroux en 2003 pour son livre Mon ombre s'étend sur vous : une aventure d'Augustine Lourdeix.

Comme beaucoup d'anciens combattants de la Grande Guerre, Marc Michon ne souhaite pas parler de la guerre. Mais sur l'insistance de ses petites-filles, il finit par coucher sur le papier ses souvenirs de guerre, consignés dans des cahiers d'écolier dont il fait don en 1970 à la bibliothèque de Châteauroux, ainsi que du tapuscrit de Mes guerres et mes prisons qui sera publié, en 1980, par l'Imprimerie Lecante.

cahier manuscritCahiers manuscrits de Mes Guerres et mes prisons

tapuscritTapuscrit de
Mes Guerres et mes prisons
guerres prisonsMes Guerres et mes prisons

Dédicacé à sa femme, ses deux filles et ses quatorze petits-enfants, Marc Michon explique en avant-propos pourquoi il a ressenti le besoin d'écrire cette autobiographie, alors qu'il n'aimait n'aimait pas parler de lui.

« Dans l'un de mes précédents ouvrages, j'ai prêté ce propos à l'un de mes personnages : "Rien ne mérite d'être dit, hormis ce qui ne peut pas l'être". Et voici que j'entreprends d'écrire mes mémoires !

Pourquoi ? Tout simplement parce que trois de mes petites-filles, [...], mes inspiratrices, m'y ont incité. Elle furent à l'origine de la cristallisation de mes rêves.

Devant elles, un après-midi, ce qui arrive très rarement, j'avais fait allusion aux risques que j'avais courus à la guerre, m'empressant d'ajouter : "Mais tout cela mes enfants, ne vous intéresse certainement pas".

Protestations véhémentes. [...] L'intérêt porté par trois de mes petites-filles à une évocation fugitive de mes aventures guerrières avaient déclenché en moi une réaction en chaîne.

Tout un passé avait surgit du fond de ma mémoire avec tant de force, dans un tel enchaînement que, bientôt je décidai, ce que j'avais toujours différé, d'écrire mes souvenirs de guerre et de prison. »

photo guy vanhor

Guy Vanhor (1890-1969)

Dans sa classe, il était André Tissier. À la maison, il devenait Guy Vanhor, homme de lettres, écrivain, journaliste, peintre et violoniste.

On connaît l'importance des instituteurs dans la vie des villages comme garants de la mémoire collective des communes. Guy Vanhor ne déroge pas à la règle.

instituteur ecrivainGuy Vanhor, l’instituteur écrivain Après une scolarité brillante, André Tissier / Guy Vanhor choisit d'embrasser la carrière d'instituteur, profession qui le conduit à Sacierges, Crevant, Le Blanc avant d'être affecté le 16 août 1909 à Vatan où il est nommé titulaire le 1er janvier 1912.

C'est dans cette ville qu'il est en poste à la déclaration de la guerre en août 1914. Non mobilisable du fait d'handicaps liés à la polio dont il a été victime dans son enfance, il devient un témoin privilégié de la vie quotidienne vatanaise et de l'ambiance régnant à la fois dans le bourg et à l'école, vie qu'il retranscrit dans un cahier.

Celui-ci est publié, en 1999, à l'initiative de La Guérouée de Gâtines et de l’Association pour le Développement des Activités Culturelles de Chabris dans un recueil honorant l’auteur : Guy Vanhor, l’instituteur écrivain.

image 1 08En parallèle du Journal d’un instituteur de Vatan pendant la Grande Guerre – Vatan (1914-1915), Guy Vanhor écrit, toujours dans des cahiers d’écolier, Lettres à un poilu. Ces lettres qui s’adressent à un poilu imaginaire, retranscrivent les sentiments et les interrogations de l’auteur à propos du conflit qui ensanglante l’Europe.

Toujours pendant cette période de la guerre, Guy Vanhor écrit un grand nombre de poèmes dont beaucoup ont pour thème la Première Guerre Mondiale. Tel est le thème de La fête du 11 novembre ; La fête du retour ; Hallali ; La plaine des Pierres (1915) ; Ode à l’homme oiseau. Certains comportent une dédicace particulière.

Sur la Patrie est écrit « à la mémoire de mon ami Marcel Brillard, blessé à l’ennemi ». Quant au poème In Memoriam, ces strophes ont été composées « à la glorieuse mémoire des bons camarades tombées face à l’ennemi » et « À ceux aussi qui sont revenus ».

edme richardEdme Richard (1888-1969)

Edme Richard, fils d’Ulrich Richard-Desaix, naît en 1888 à Issoudun, au couvent des Minimes, propriété familiale. Il est mobilisé dans l’infanterie de réserve dans la 19e compagnie. Le 2 août 1914, il part pour Nevers où l'on forme le 213e RI.

Il passe l'hiver dans la vallée de Thur puis dans le village de Steinbach. En 1915, il part pour les tranchées et combat à Hartmanns-willerkopf. L'enfer commence alors. En décembre 1915, il devient sergent-fourrier. Il creuse des boyaux jusqu'en janvier 1917. Il effectue aussi des missions d'agent de liaison et se rend au Chemin des dames trois fois en mai, juin et juillet 1917. En septembre 1917, le 213e RI est dissout, son bataillon est versé à la 25e division et il est affecté au 98e RI. Il prend ainsi la direction de Verdun, toujours comme agent de liaison et quitte un enfer pour en vivre un autre.

automne1918Croquis à vue du poste occupé
par la 4e section (19e Cie = RI)
mai 1915 devant Steinbach
(7e ½ section seulement)
d'Edme Richard
En automne 1918, il tombe malade d'épuisement et est transféré à l'hôpital de Chantilly. Il y apprend l'Armistice par un marchand de journaux qui venait le soir avec l'Intransigeant. Il connaît ensuite la vie de caserne à Diez jusqu'en février 1919 et rentre à Issoudun. Il redevient civil le 25 mars 1919. Le même jour, il achève ses carnets de guerre commencés le 1er août 1914, témoignage de ce que furent ces quatre années terribles. Démobilisé, il recopie et complète ces neuf carnets journaliers dans trois cahiers reliés aujourd'hui numérisés et consultables en ligne.

Autre document rédigé pendant le conflit :

Il reçoit la Croix de Guerre, la Médaille Militaire, la Croix du Combattant et la Médaille Interalliée.

De retour à Issoudun, il devient membre de la Société des Antiquaires du Centre (Bourges) et à partir de 1924 de l’Académie du Centre (Châteauroux) dont il devient en 1954 le secrétaire général puis le vice-président en 1957. Il est également administrateur du musée d’Issoudun de 1921 à 1948. Il prête régulièrement des pièces de sa collection pour des manifestations culturelles. À la différence de son père, il est davantage passionné par l'Histoire et la géographie, que par la littérature et l'art.

Il est un des gestionnaires de la Caisse d’Épargne de 1928 à 1950. Il est aussi secrétaire du comité de la Croix-Rouge française, membre du conseil départemental et vice-président du comité d’Issoudun. Il fait partie de très nombreuses associations locales.

image 1 10La clé des mémoires d'Edme RichardIl possède une collection impressionnante sur la guerre 14-18 : des cartes individuelles d'alimentation, des cartes de bons d'essence, des planches d'insignes vendues pendant la Guerre, des cartes d'état major du club vosgien d'Alsace, des collections de timbres vendus au profit de la Guerre, des planches de cartes de correspondance des Armées de la République, des planches de cartes postales illustrées par Hansi, Elisabeth Sonrel et E. Marcoux, des planches de publicité pour les emprunts nationaux, mais également des objets personnels, une malle de souvenirs militaires, des médailles de guerre, son fascicule de mobilisation, son livret militaire, un carnet d'adresses, un billet d'hôpital, un billet de permission, des bagues, un parachute pour petit colis, une bague pour pigeon voyageur, etc. Nombre de ses documents ont été exposés à la Médiathèque.

image 1 11Objets et souvenirs de la Guerre 1914-1918
appartenant à Edme Richard
Un hommage lui est rendu par le Maire de Châteauroux, Gaston Petit, lors de ses obsèques qui ont eu lieu le 11 avril 1969. Le legs transmis à la Ville est très riche. Il comprend des ouvrages sur la Révolution et l’Empire, sur et/ou de George Sand, des auteurs du 17e au 19e siècle, une documentation sur le Berry, des manuscrits, des autographes de son grand-oncle le général Desaix ainsi que des journaux, des dossiers de presse et des cartes.

Sa collection lui a été transmise par son père Ulrich Richard, dont une partie se trouve au Musée Bertrand et l'autre à la Médiathèque de Châteauroux.