Écrire la vie
« Annie Ernaux est proche et lointaine : proche parce que c'est de nous qu'elle parle à travers sa propre expérience : des épisodes qui ont jalonné sa vie nous n'ignorons rien, mais elle-même, nous ne la connaissons pas. En fait « nous nous reconnaissons en elle »
Evelyne Bloch-Dano, Magazine littéraire n°513, novembre 2011
C'est sur ce paradoxe que se construit son œuvre : écrire une « socioautobiographie », une autobiographie objective. Écrire, en fait, notre histoire collective à partir de son histoire particulière : ne pas écrire SA vie, mais écrire LA vie (titre de la compilation de ses écrits édités par Gallimard en 2011 dans sa prestigieuse collection Quarto, une pré-Pléiade, en quelque sorte).
Les Années, son livre-somme paru en 2008, illustre magistralement cette ambition. Ce livre (roman ? récit ? journal ?) a été un gros succès, les lecteurs s'y reconnaissant.
« Le véritable but de ma vie est peut-être celui-ci : que mon corps, mes sensations et mes pensées deviennent de l'écriture, c'est-à-dire quelque chose d'intelligible et de général, mon existence complètement dissoute dans la tête et la vie des autres ».
Annie Ernaux se place ainsi dans la grande tradition des romans qui servent à éclairer le monde et l'humain (comme ceux de Flaubert, de Balzac…), sans verser dans la veine contemporaine de l'autofiction où la notion de règlement de compte n'est pas absente.