Roman total
Son œuvre est hybride : romans, journaux intimes et extimes, récits… de même que chaque volume appartient à la fois au genre littéraire (dans la forme) et au genre documentaire (dans le fond).
Souvent, ils se répondent : La place qui a trait à son père peut être mis en parallèle avec Une femme qui parle de sa mère. Passion simple est le récit littéraire d'un emportement amoureux également paru sous forme de journal (Se perdre). Chaque livre est une nouvelle brique apportée à l'édification d'une œuvre dont la cohérence la surprend elle-même : ce n'est qu'à la publication d'Écrire la vie qu'Annie Ernaux prend conscience du nombre de pages publiées et de l'unité de l'ensemble, chaque volume étant pour elle l'exploration d'un événement personnel unique, fondateur (par exemple son avortement dans L'événement).
« J'écrirai pour venger ma race »
« J'écrirai pour venger ma race »
Annie Ernaux est une transfuge sociale, une « transfuge de classe » : ses parents, petit-commerçants issus du monde ouvrier et paysan poussent leur fille à poursuivre l'ascension sociale qu'il avaient entamée mais ne peuvent la suivre (à ce sujet, lire Les armoires vides et La honte).
Elle en conçoit d'abord de la gêne vis-à-vis d'eux, mêlée à au sentiment d'illégitimité à accéder à la culture bourgeoise. Sa réussite sociale commence donc par un reniement de ses origines sur lequel elle revient, passé et prolétariat finissant par se confondre dans un même regret, un même engagement : elle ne cesse de vouloir leur rendre par des mots la place dont leur silence culturel et économique les a privés.
Car c'est sa mère qui lui a donné le goût de lire (et donc d'écrire) grâce à des romans à l'eau de rose, ce sont les chansons de « variétoche » qui ont bercé ses après-midis adolescents et réconforté l'amante blessée, car ses parents ont toujours tout fait pour « que la petite ne manque de rien ».
À 22 ans, elle décide donc d'« écrire pour venger sa race », lui rendre ce qui lui est dû.