« Les choses me sont arrivées pour que j'en rende compte »
Comme pour Proust, son œuvre est un travail de mémoire et d'analyse sociologique, mais là où l'un décrivait l'ascension d'un personnage vers les dernières lueurs d'un monde aussi chatoyant que sa langue, l'autre lutte contre l'oubli, reconstruisant un monde perdu par les mots d'une langue travaillée mais plate.
Son rapport au temps est donc fondamental, rapport probablement né de la nostalgie d'une petite enfance heureuse à Lillebonne (Normandie) à laquelle a mis fin le déménagement familial à Yvetot, rupture qui lui a fait ressentir l'irréversibilité du temps et des pertes définitives qu'il entraîne : modes, mots, sentiments, gens. Vie.
Ses livres sont donc témoignage de personnes inscrites dans un monde particulier, disparu ou en cours d'effacement.
La Place qui cherche à rendre compte au plus près de l'existence de son père est de ce point de vue exemplaire : sans mise en scène ni artifice, sans chercher de complicité avec le lecteur, elle procède à une « ethnologie familiale » afin de rendre vie à un homme dont sa propre évolution sociale l'a éloignée à l'adolescence. Ce livre lui apporte notoriété et reconnaissance (Prix Renaudot 1984), preuve s'il en fallait que cette sobriété a laissé au plus grand nombre la latitude de s'identifier à elle. Dès lors, elle a trouvé son style.