Witold Gombrowicz

L'immaturité comme fondement

certificatle certificat de la maturitéEn 1933, Gombrowicz commence à rédiger des articles dans les journaux de Varsovie et écrit un recueil de contes Mémoires du temps de l'immaturité. Ce terme de « l'immaturité » renvoie ironiquement à l'appellation que l'on donne officiellement au baccalauréat en Pologne : le « certificat de maturité ». Jouant du titre équivoque contre le débutant, Juliusz Kaden-Bandrowski, écrivain très connu, a affirmé que Gombrowicz était justement un artiste encore immature.

Repris et élargi en 1957, le recueil a pris sa forme canonique et a changé de titre devenant Bakakaï.

« On m'a tellement harcelé avec cette immaturité qu'elle a été le point de départ de mon livre suivant Ferdydurke et c'est ainsi que je suis devenu peu à peu le spécialiste de l'immaturité. »

Souvenirs de Pologne

Witold Gombrowicz écrit sa première pièce de théâtre Yvonne, princesse de Bourgogne, couché sur un tapis, en veillant son père malade. Ce dernier meurt en 1933. La pièce est une parodie shakespearienne qu'il qualifie lui-même de « comédie ». Terminée en 1935, elle est éditée dans la revue Skamander en 1938.

« On peut résumer en quelques mots l'histoire tragi-comique d'Yvonne. Le prince Philippe, héritier du trône, rencontre à la promenade cette fille sans charme… sans attrait : Yvonne est empotée, apathique, anémique, timide, peureuse et ennuyeuse. Dès le premier instant, le prince ne peut la souffrir, elle l'énerve trop ; mais en même temps il ne peut pas supporter de se voir contraint à détester la malheureuse Yvonne. Et une révolte éclate en lui contre les lois de la nature qui commandent aux jeunes gens de n'aimer que les jeunes filles séduisantes. « Je ne m'y soumettrai pas, je l'aimerai ! » Il lance un défi à la loi de la nature et prend Yvonne pour fiancée. »

Testament : entretiens avec Dominique de Roux

Se tenant à l'écart d'un groupe littéraire influent, les Skamandrites, Gombrowicz réunit son propre cercle au café Ziemianska.

Après la mort de son père, il occupe un deux-pièces en face de l'appartement de sa mère et de sa sœur. Il publie une série d'articles critiques littéraires regroupés aujourd'hui dans un recueil intitulé Varia contenant également de courtes fictions.

ferdydurkeAffiche de Mieczysław GórowskiFerdydurke paraît en octobre 1937, pour moitié à compte d'auteur. Ce premier roman édité est considéré comme son œuvre fondamentale, un classique du XXe siècle. Gombrowicz n'a jamais dévoilé le mystère du titre : tantôt il prétendait qu'il l'avait choisi parce qu'il était difficile à prononcer en polonais, tantôt il avouait avoir trouvé un nom par hasard dans un journal anglais. Il provient en fait d'un personnage du roman de Sinclair Lewis, Babbitt, nommé Freddy Durkee. L'action du roman se situe au début des années 1930 à Varsovie et dans un manoir de campagne polonaise. C'est la satire de trois milieux : l'école, la bourgeoisie et la noblesse terrienne. Gombrowicz écrira plus tard : « Ce livre, d'une certaine manière, m'a situé face à la vie » (Testament)

« C'est l'histoire grotesque d'un monsieur qui devient un enfant parce que les autres le traitent comme tel. Ferdydurke voudrait démasquer la Grande Immaturité de l'humanité. L'homme, tel que le livre le décrit, est un être opaque et neutre qui doit s'exprimer à travers certains comportements et par conséquent devient, à l'extérieur – pour les autres –, beaucoup plus défini et précis qu'il ne l'est dans son intimité. D'où une disproportion tragique entre son immaturité secrète et le masque qu'il met pour frayer avec autrui. Il ne lui reste qu'à s'adapter intérieurement à ce masque, comme s'il était réellement celui qu'il paraît être. »

Préface