Le Petit Chaperon rouge, comme beaucoup de contes issus de la tradition orale et dont l'origine se perd dans la nuit des temps, a inspiré une multitude d'auteurs et illustrateurs et a donc été adapté dans les différentes régions de France mais aussi en Europe et dans le monde. Il est très difficile de faire un recensement exhaustif.
Autrefois, sans télévision, ni Internet, les enfants écoutaient les histoires de leurs aînés pendant les veillées, le soir avant le coucher. C'est de là que viennent les contes que l'on connaît actuellement, ils ont été retranscrits sous forme écrite par trois grands collecteurs, Charles Perrault et les frères Jacob et Wilhelm Grimm.
Le Petit Chaperon rouge fait partie de cette tradition orale séculaire.
Version populaire orale
Ci-après, une version orale retranscrite qui fait consensus chez la plupart des spécialistes quant à l'histoire originelle de ce conte :
C'était une femme qui avait fait du pain.
Elle dit à sa fille :
– Tu vas porter une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ta grand.
Voilà la petite fille partie. À la croisée de deux chemins, elle rencontra le bzou qui lui dit :
– Où vas-tu ?
– Je porte une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ma grand.
– Quel chemin prends-tu ? dit le loup, celui des aiguilles ou celui des épingles ?
– Celui des aiguilles, dit la petite fille.
– Eh bien ! moi, je prends celui des épingles.
La petite fille s'amusa à ramasser des aiguilles.
Et le loup arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l'arche et une bouteille de sang sur la bassine.
La petite fille arriva, frappa à la porte.
– Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée.
– Bonjour, ma grand, je vous apporte une époigne toute chaude et une bouteille de lait.
– Mets-les dans l'arche, mon enfant. Prends de la viande qui est dedans et une bouteille de vin qui est sur la bassie.
Suivant qu'elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :
– Pue !... Salope !... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand.
– Déshabille-toi, mon enfant, dit le bzou, et viens te coucher vers moi.
– Où faut-il mettre mon tablier ?
– Jette-le au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin.
Et pour tous les habits, le corset, la robe, le cotillon, les chausses, elle lui demandait où les mettre.
Et le loup répondait : "Jette-les au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin."
Quand elle fut couchée, la petite fille dit :
– Oh, ma grand, que vous êtes poilouse !
– C'est pour mieux me réchauffer, mon enfant !
– Oh ! ma grand, ces grands ongles que vous avez !
– C'est pour mieux me gratter, mon enfant !
– Oh! ma grand, ces grandes épaules que vous avez !
– C'est pour mieux porter mon fagot de bois, mon enfant !
– Oh ! ma grand, ces grandes oreilles que vous avez !
– C'est pour mieux entendre, mon enfant !
– Oh ! ma grand, ces grands trous de nez que vous avez !
– C'est pour mieux priser mon tabac, mon enfant !
– Oh! ma grand, cette grande bouche que vous avez !
– C'est pour mieux te manger, mon enfant !
– Oh! ma grand, que j'ai faim d'aller dehors !
– Fais au lit mon enfant !
– Oh non, ma grand, je veux aller dehors.
– Bon, mais pas pour longtemps.
Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller. Quand la petite fut dehors, elle fixa le bout du fil à un prunier de la cour.
Le bzou s'impatientait et disait : "Tu fais donc des cordes ? Tu fais donc des cordes ?"
Quand il se rendit compte que personne ne lui répondait, il se jeta à bas du lit et vit que la petite était sauvée. Il la poursuivit, mais il arriva à sa maison juste au moment où elle entrait.
Texte extrait de Le conte populaire français, tome premier de Paul Delarue, une référence en matière de collecte des contes en France
Une interprétation possible
Au début du conte, la mère ne prévient pas son enfant des dangers de la forêt et il n'est pas dit comment celle-ci est habillée (la mère laisse à son enfant la liberté de ses choix). Quand elle rencontre le bzou, il s'agit d'un loup-garou mi-homme, mi-loup (on est donc plus facilement dans la séduction).
Plus loin, la fillette est confronté au choix du chemin à prendre.
Autrefois, dans la société française, les motifs des épingles et des aiguilles étaient une représentation des principes de l'éducation des jeunes filles. En effet, les ustensiles de couture étaient importants. Les épingles représentaient les premiers travaux de couture des jeunes filles pour leur 15 ans et donc la possibilité de bien s'habiller pour chercher un amoureux et un futur mari. Avec le chemin des épingles, les petites filles s'apprêtent pour être jolies.
Les aiguilles signifient le travail domestique et la rigueur de la vie menée par les femmes déjà mariées. C'est la grand-mère qui est représentée car les aiguilles sont des outils de travail plus gros que les épingles et donc plus utiles aux vieilles dames qui n'y voient plus très bien.
Par extension, on peut dire que le chemin des épingles, c'est la petite fille qui a ou va avoir un cycle menstruel et sera capable de procréer ; le chemin des aiguilles, c'est l'absence de cycle menstruel, la grand-mère ménopausée qui ne peut plus se reproduire.
Le loup-garou dépèce la grand-mère pour la faire manger à sa petite-fille malgré les injonctions de la chatte (la grand-mère meure et laisse la place à sa petite fille, c'est le cycle de la vie). La fillette doit jeter ses vêtements au feu car elle n'en aura plus besoin (passage de l'enfant à l'adolescente-adulte et donc sans retour possible vers la prime enfance). Sursaut de la fillette quand le bzou lui dit qu'il va la manger (passage à l'acte sexuel) en le trompant sur la nature de sa demande de « faim d'aller dehors ». Elle a la vie sauve grâce à sa roublardise et reprend sa vie en main (elle devient adulte).
Version Perrault et version Grimm
C'est Charles Perrault, en 1697, qui, le premier, a collecté ce conte par écrit. Il a introduit le thème du chaperon rouge. Même chose pour la formulette « Tire la chevillette et la bobinette cherra ». En Orient, on retrouve un épisode concordant avec celui où l'enfant, pour échapper au monstre, demande à sortir de la maison pour un besoin urgent. Perrault l'a éliminé car il considérait que c'était inconvenant.
Il a aussi transformé la partie de l'histoire des chemins (épingles et aiguilles) plutôt difficile à comprendre, par le chemin le plus court et le chemin le plus long et nous sommes davantage dans la séduction entre la fillette et le loup au moment de la rencontre.
Il a également fait mourir les deux personnages féminins principaux du conte, le Petit Chaperon rouge, ayant désobéi, est puni mais la grand-mère, qui n'a rien fait, meurt à cause de sa petite fille qui révèle au loup le chemin de sa demeure. Le poids de la responsabilité repose entièrement sur la petite fille.
Avec Perrault, Le Petit Chaperon rouge devient un conte d'avertissement.
L'histoire est d'ailleurs suivie d'une moralité :
On voit ici que de jeunes enfants
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d'écouter toute sorte de gens,
Et que ce n'est pas chose étrange,
S'il en est tant que le loup mange.
Je dis le loup, car tous les loups
Ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d'une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes Demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,
De tous les Loups sont les plus dangereux.
Tout est dit et tout est clair. Il reste peu de place à l'imaginaire.
C'est à partir de cette version que ce conte a connu une popularité sans précédent car c'était la première fois qu'il était imprimé.
Les frères Grimm, un siècle plus tard, ont repris le Chaperon rouge.
Ils ont choisi de rendre le Petit Chaperon rouge plus insouciante car elle cueille beaucoup de fleurs et s'attarde en chemin.
Sa grand-mère et elle-même survivront toutes les deux à l'issue de l'histoire grâce au deuxième personnage masculin de l'histoire, le bûcheron, la figure paternaliste que les frères Grimm ont ajouté. Le Petit Chaperon rouge a donc une seconde chance d'obéir à sa mère. Cela reste un conte d'avertissement. C'est une version plus édulcorée que celle de Perrault et plus abordable par les plus jeunes.
Quelques adaptations détournées humoristiques et parodiques
Depuis quelques années, paraissent des versions de ce conte très librement adaptées souvent d'après Perrault ou Grimm et très humoristiques, voire totalement déjantées et qui, par là même, deviennent de pures créations. C'est sur quelques-unes de ces « adaptations » un peu particulières que nous allons nous attarder.
Red Hot Riding Hood
dessin animé de Tex Avery (1943)
L'histoire commence « normalement » quand soudain, le loup puis le Petit Chaperon rouge et enfin la grand-mère s'adressent directement au scénariste du film l'un après l'autre en faisant face à la caméra pour exprimer leur « ras-le-bol » de cette histoire vue et revue. Ils menacent tous les trois de démissionner s'il ne change pas la trame. Le dessin animé reprend donc en signalant « something new has been added » (quelque chose de nouveau a été ajouté). Commence alors un nouveau dessin animé délirant avec une grand-mère particulièrement active.
Ginette et le loup
de Catherine Colomb
Ici, c'est le Petit Chaperon rouge qui convoite le contenu du panier que le loup apporte à sa grand-mère.
Loupiotte
de Frédéric Stehr
Quand les rôles sont inversés, le Petit Chaperon rouge c'est le loup... et le loup est un ogrion. On se retrouve avec une histoire rocambolesque et une fin… qui donne faim.
Chapeau rond rouge
de Geoffroy de Pennart
L'histoire commence de façon classique jusqu'à ce que le Chapeau rond rouge prenne le loup pour un chien, ce qui change complètement la suite du conte.
Le Petit Chaperon rouge a des soucis
d'Anne-Sophie de Monsabert
Le Petit Chaperon rouge prend le chemin de la ville pour aller chez sa grand-mère. Là, les enfants la prennent pour le Père Noël, d'où une série de quiproquos, notamment quand elle décide de s'habiller en vert pour s'en sortir mais que les enfants la prennent pour Peter Pan…
Chaperon rouge : collection privée
de Nadja
Entièrement dessiné avec les personnages posés sur des petits socles ronds avec légendes, ce petit bijou nous montre les côtés lucide et espiègle d'un Petit Chaperon rouge qui ne s'en laisse pas conter. Les dessins sont particulièrement irrésistibles.
Et pourquoi ?
de Michel Van Zeveren
Le loup, affamé, n'attend même pas de discuter avec le Petit Chaperon rouge. Il saute sur elle pour la manger. Celle-ci reste imperturbable et questionne le loup comme les enfants avec leurs parents : Et pourquoi ?… jusqu'à ce que le loup, épuisé, craque de façon tout à fait originale mais en respectant le style du conte.
Le petit livre rouge
de Philippe Brasseur
Ici, le Petit Chaperon rouge apporte un livre à sa grand-mère. Malheureusement, elle n'est pas très respectueuse et le livre sert à tout et souffre le martyr pendant le voyage. En parallèle, une famille de souris explique au lecteur la manière de tenir un livre pour ne pas l'abîmer. Complètement décalé !
Demain, je te mangerai
de Ramadier & Bourgeau
C'est le loup qui est mis en avant et qui a trèèèès faim. Toutefois, il dédaigne les personnages de contes qu'il rencontre, trouvant toujours une raison pour continuer son chemin, jusqu'à ce que…
C'est pour mieux te manger !
de Françoise Rogier
L'histoire paraît on ne peut plus classique, jusqu'à ce que le lecteur s’aperçoive que le Petit Chaperon rouge… n'est pas le Petit Chaperon rouge…
De qui a peur le grand méchant Loup ?
de Chika Shigemori
Le loup connaît déjà les contes puisqu'il possède un recueil complet. En chemin dans la forêt, il rencontre les trois petits cochons, la chèvre et les sept chevreaux mais se rend compte qu'il n'arrivera pas à changer la fin de ces contes. Quand il rencontre le Petit Chaperon rouge, il pense arriver le premier chez la grand-mère, la manger, puis manger le Petit Chaperon rouge et ne surtout pas s'endormir pour ne pas rencontrer le chasseur. Mais tout ne se passe pas forcément comme il le prévoit…
La scène de la chemise de nuit
de Jean-Luc Buquet
L'histoire commence normalement puis s'arrête quand le loup mange la grand-mère et met sa chemise de nuit. C'est la problématique du récit. Le loup galère à l'enfiler correctement. Il se débat comme un beau diable et c'est irrésistible.
Le Petit Chaperon rouge n'en peut plus
de Sebastian Meschenmoser
Les rôles sont inversés. Nous avons un loup particulièrement affable qui devient ami avec Mère-Grand et un Petit Chaperon rouge très ronchon qui apporte à sa grand-mère une brique abîmée, une chaussure qui pue et un chewing-gum usagé.
Devine où j'suis !
de Richard Marnier et Aude Maurel
Un Petit Chaperon rouge qui appelle sa mère au secours avec son portable pour la sortir du ventre du loup. Justement, la mère est en train de prendre le thé avec la mère du loup… C'est le début d'un conte de randonnée abracadabrantesque, bref, une histoire sans fin ou sans faim…
Que d'émotions Chaperon
de Richard Marnier et Aude Maurel
Version très drôle avec, page de gauche, le conte classique version Grimm avec des illustrations en ombres chinoises de couleur rouge. Puis, page de droite, des illustrations très contrastées traduisant l'humeur du Petit Chaperon rouge tout au long du récit, favorisant ainsi un décalage jubilatoire entre les différentes pages. La librairie Mollat, domiciliée à Bordeaux, en collaboration avec le réseau des bibliothèques de la ville de Châteauroux, a monté ce livre en exposition qui sera visible dans l'Espace Raymonde Vincent de la médiathèque du mardi 5 mars au samedi 1er juin 2019.
Courage, Grand Loup !
de Jan de Kinder
Où l'on trouve un Grand Loup pas très courageux (représenté par des dessins incroyablement adorablissimes) face à un Petit Loup plein d'assurance et un Petit Chaperon rouge surprenant
… A découvrir !
L'histoire du loup et du Petit Chaperon rouge aussi
de Seblight
Voici donc un Petit Chaperon rouge imperturbable, très joyeux et hyper positif… ce qui déstabilise un loup vieillissant et pathétique dans sa volonté de mener l'histoire à son terme.
Le Petit Chaperon qui n'était pas rouge
de Sandrine Beau et Marie Desbons
Un début classique mais l'histoire bascule quand le Petit Chaperon bleu entre dans la forêt. Si la fin ne plaît pas, les auteures en proposent plusieurs, c'est au choix. Évidemment, c'est très drôle !
Le Grand Méchant Loup pue des pieds
de Swann Meralli et Augel
Présentation sous forme de bandes dessinées dans lesquelles le loup, comme le titre l'indique a quelques soucis de transpiration. C'est rythmé, rapide, avec un Petit Chaperon rouge énergique qui a beaucoup d'idées pour remédier au problème du loup. C'est fou !
Chaperon rouge
de Bethan Woollvin
Le Petit Chaperon rouge est une petite maligne qui découvre, avant qu'il ne soit trop tard, les intentions du loup. Elle prend alors ses dispositions… qui s'avèrent radicales. C'est court, très concis et très efficace.
Le Petit Chaperon rouge qui adorait lire
de Lucy Rowland et Ben Mantle
Bien obligé pour des bibliothécaires d'ajouter ce titre où le Petit Chaperon rouge passe son temps à lire dans la forêt et traîne trop pour rapporter son livre à la bibliothèque. C'est le loup qui arrive en premier et qui connaît parfaitement la fin de ce conte, tout comme madame Collard, la bibliothécaire.
Quelques illustrateurs/trices du Petit Chaperon rouge
Du 19e siècle et avant
Les illustrations suivantes sont extraites de Contes de Perrault.
Des 20e et 21e siècles
Beaucoup d'autres créations d'auteurs et d'illustrateurs autour de ce texte sont probablement à venir et les enfants du monde entier n'ont pas fini de découvrir les richesses de ce conte somme toute intemporel.