Raymond Carver. Tous ceux qui le lisent deviennent « carvériens ». Ils se mettent à voir avec ses yeux, à sentir avec son coeur. Un coeur souvent endolori, jamais vraiment désespéré, même lorsqu’il n’y a plus de lumière.
(...) La vie de Carver est son plus beau poème. Elle se trouve tout entière transposée dans ses nouvelles, de Parlez-moi d’amour aux Vitamines du bonheur.
Stéphane Michaka
Raymond Carver : les mots pour tenir
Martine Laval - Télérama n° 3053
Une femme se confie. Elle déverse sa lassitude, raconte son boulot - elle vend des vitamines, ou plutôt elle n'arrive pas à en vendre. Elle voit s'envoler l'espoir de gagner un peu d'argent, l'espoir de se sortir de la mouise. Face à elle, un homme, son compagnon, peut-être Raymond Carver lui-même. Il sent la tension monter, hume - respire - son désespoir. Il lui lance une bouée, une petite phrase qu'il prononce à voix basse, tout doux : « Qu'est-ce qu'il y a, chérie ?» Blanc. Il continue : « Je posai les verres sur la table et m'assis. Elle poursuivit comme si je n'avais rien dit. Peut-être que je n'avais rien dit » (Les Vitamines du bonheur).
« À l'orée de la trentaine, j'ai renoncé à tous mes rêves de grandeur. »
Raymond Carver
L'univers de Carver tient dans ces quelques lignes, dans ce « peut-être que je n'avais rien dit », dans cette incapacité qu'ont ses personnages - lui ? - à parler, à tendre à l'autre ne serait-ce qu'un regard, un sourire, une main amicale, quelques mots de réconfort. Carver écrit le silence, non pas celui de la sérénité, mais celui de l'abattement, de l'effondrement. Ses phrases semblent anodines, insignifiantes ? Faux. Au détour d'une virgule, elles annoncent l'imminence de la catastrophe. L'abandon, la trahison, la lâcheté. La solitude. Le débrouille-toi. Personne n'y peut rien. C'est comme ça. C'est la vie. Carver donne au quotidien, au banal, au vide qui unit une femme et un homme, une dimension vertigineuse. Il fait résonner le séisme amoureux à mots feutrés. Il apostrophe la violence, la douleur, mais les cache, par pudeur, par choix - en poète. Il écrit : « Les mots, c'est finalement tout ce que nous avons, alors il vaut mieux que ce soit ceux qu'il faut et que la ponctuation soit là où il faut pour qu'ils puissent dire le mieux possible ce qu'on veut leur faire dire » (De l'écriture).
Lire Carver
dans le réseau des bibliothèques de Châteauroux
- Les feux
- Short cuts
- La vitesse foudroyante du passé
- Qu'est-ce que vous voulez-voir ?
- N'en faites pas une histoire
- Cathedral : stories
- Les Trois roses jaunes
- Parlez-moi d'amour
- Les Vitamines du bonheur
Stéphane Michaka
Stéphane Michaka est romancier, auteur de théâtre et traducteur. Il a étudié la littérature et le théâtre à l’université de Cambridge. Il a travaillé comme responsable du développement littéraire sur des scénarios de fiction d’Arte. Il a également traduit Nick Tosches, Michael Simon ou Michael Connelly.
Depuis 2012, il dirige des ateliers d'écriture pour l'association Tu connais la nouvelle ? et parraine le pôle de nouvelles de Châteauroux. La médiathèque Équinoxe l'a reçu en octobre dernier pour parler du roman noir.
Tu connais la nouvelle ? est une association régionale, dont la mission est de favoriser l’accès à la lecture et à l’écriture sous toutes ses formes. Pour cela, elle organise :
- des rencontres d’auteurs en milieu scolaire,
- des ateliers d’écriture,
- des concours de nouvelles,
- des comités de lecture,
- des éditions de recueils de nouvelles
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Stéphane Michaka : critiques
« Avec concision et subtilité, l’auteur nous montre comment, au fil des épreuves, Carver est devenu l’écrivain que l’on connaît. Un hommage à la hauteur du sujet. Les fans de Carver adoreront, les autres y verront une invitation à découvrir l'un des grands maîtres de la nouvelle. »
Bibliobs
« Stéphane Michaka a du talent. On le savait depuis La fille de Carnegie et plus récemment avec Elvis sur Seine (paru aux éditions La Tengo). Ciseaux, qui sort cette semaine (chez Fayard cette fois), démontre que ce jeune auteur maîtrise tout type de narration. »
Nice Matin
« Auteur de quatre pièces de théâtre et du formidable roman noir La Fille de Carnegie (2008),Stéphane Michaka, 38 ans, était une promesse qui demandait confirmation. C'est chose faite aujourd'hui avec Ciseaux, roman à quatre voix qui raconte l'histoire d'un écrivain en devenir. (...) Que l'on ignore tout de Carver et même de ses livres importe peu. Le talent de Stéphane Michaka suffit à river le lecteur à ses mots, à cette attention qu'il porte à chaque personnage. Et à donner du souffle à ce trio qui tourne autour de la figure centrale de l'écrivain, de l'homme sans certitude dont l'oeuvre, bien que charcutée, passera à la postérité et sera mondialement connue le jour où un certain Robert Altman l'adaptera sous le titre de Short Cuts. »
Bruno Corty, Le Figaro
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Elvis sur Seine
Paris, 7e arrondissement - Champ de Mars. Une adolescente découvre le corps inanimé d'un homme d'origine asiatique au pied du Mur pour la Paix. Signe distinctif accroché à la veste de la victime : cinq pin's à l'effigie d'Elvis Presley. Lorsque Mona Cabriole, la reporter de Parisnews, arrive sur la scène du crime, le corps a disparu et la police fait le plus grand silence sur cette affaire...
Mystère aux Cordeliers
Nouvelle écrite par les élèves du Lycée Sainte Solange dirigés par Stéphane Michaka, Tu connais la nouvelle ?
Ciseaux
À quinze ans, Raymond décide qu'il sera Hemingway ou rien. Et la nouvelle, avec ses silences têtus et ses fins en lame de rasoir, son genre de prédilection.