On dit parfois d'une fille un peu vulgaire qu'elle a mauvais genre. Quand on le dit d'un garçon, c'est plutôt son coté voyou qui est alors critiqué. Par contre on peut demander à une jeune fille « - Qu'est-ce que tu aimes comme genre de garçon ? » et là, plus question de voyou mais de style, de goût, de couleur...
- Qu'en pensaient nos grands-mères ?
- Le point de vue des personnes concernées
- La guerre du genre
- Avec la fiction, tout passe bien plus facilement
On dit tout ça sans y penser vraiment, et parce que dans la langue française, le genre est surtout grammatical. On accorde les adjectifs en genre (et en nombre) mais il existe un désaccord national sur la théorie du genre. Parce qu'il existe parfois des filles qui ont un mauvais genre, mais sans pour autant être vulgaires, et des garçons qui n'ont pas de genre de filles tout simplement parce qu'ils sont filles eux-mêmes !
Et si le sexe d'une personne ne fait, en général, jamais de doute pour le commun des mortels, il existe pourtant des hommes et des femmes qui ne doutent pas un seul instant d'être autre chose que ce que leur image biologique renvoie à la société.
Qu'en pensaient nos grands-mères ?
Le banquet, Platon met en scène des androgynes sans relever de caractère exceptionnel au sujet comme c'est souvent le cas à l'époque.
Les civilisations antiques ne se posaient pas de questions. Tout est affaire des dieux, et l'homme vénère... ou pas, ce qui n'est pas commun, puisque le commun des mortels n'accède jamais à la connaissance que par le biais des prêtres et des prêtresses. Pour chaque particularisme humain, les dieux ont une réponse. Hermaphrodite est le fils d’Hermès et d'Aphrodite a qui Poséidon a accolé une nymphe éconduite. DansLa littérature s'est penchée, avec plus ou moins de justesse sur cette question depuis très longtemps. Ainsi, l’œuvre de George Sand, ou de Colette, fourmille de références visant à remettre en cause les codes sociaux de l'identité sexuelle de l'Homme. Marion Krathhaker nous livre d'ailleurs dans son ouvrage L'identité de genre dans les œuvres de George Sand et Colette une analyse passionnante de l'approche assez similaire de ces deux auteures modernes et très en avance sur la pensée sociale de leur époque... et de la notre.
Et comme l'explique Laure Murat dans son document La loi du genre : une histoire culturelle du "troisième sexe" le sujet n'est pas nouveau et n'a fait polémique que très récemment. Il faut dire que jusqu'à ces dernières décennies, la question n'avait été abordée que par des psychiatres, des psychologues et des sociologues, soit pour essayer de démontrer que le trouble de l'identité sexuelle est une maladie mentale que l'on peut soigner, soit pour plaindre des personnes égarées par une société déstructurante qui n'a pas su remplir son rôle de formatage. Pour le reste de la population, le sujet n'existe pas, ou alors il est connu et accepté comme une évidence de cabaret, de soirées festives, dans des milieux que l'on qualifie alors d'interlopes.
Dolto en héritage. 2, Fille ou garçon : la naissance de l'identité sexuelle. Colette Chiland quant à elle, dans son ouvrage Le transsexualisme paru dans la collection Que sais-je ? met à mal les avancées sur l'identité sexuelle en abondant dans le sens de la psychiatrisation des personnes concernées par le sujet.
Ainsi, Edwige Antier a une approche très personnelle de la question dans son livrePourtant, dès 1965, le psychologue Roger Piret expose dans un volume de la collection SUP. Le psychologue Psychologie différentielle des sexes son point de vue sur le rôle prépondérant de la biologie dans la formation de l'identité sexuelle, réfutant déjà l'hypothèse d'un problème psychiatrique.
Dans les années 80, le grand public prend conscience qu'il peut exister une "troisième voie". Le groupe Indochine rencontre, dès son premier album, en 1985 un succès considérable avec son 45 tours 3e Sexe dont je vous laisse savourer les paroles en regardant une performance en directe qui en dit long sur les ambiguïtés à la mode dans les années 80.
Et de nos jours, c'est sans complexe que Gail Simone introduit le premier personnage transsexuel dans Batgirl, un comics grand public, sans que cela pose de problème au lectorat. Il faut dire que les aficionados de super-héros sont par essence rompus aux étrangetés de l'âme humaine et qu'un personnage récurent soit homosexuel ou transsexuel est loin de les émouvoir.
Le point de vue des personnes concernées
Mais qu'en pensent les personnes directement concernées par cette théorie du genre ? Largement adoptée dans les pays anglo-saxons, redoutée en France par une grande partie de l'opinion publique, surtout quand la question se pose de l'enseigner à nos chères têtes blondes, il est rarement question dans les débats de l'avis des personnes transgenres.
Le plus simple est de les lire... et de se faire une idée soi-même. Marie Edith Cypris, dans son ouvrage Mémoires d'une transsexuelle : la belle au moi dormant pose de manière très claire, presque chirurgicale, les bases d'une réflexion qui englobe expérience personnelle et points de vue de professionnels afin de tenter, non pas de répondre aux questions que l'on se pose, mais de nous orienter vers les bonnes interrogations relatives à l'identité de genre.
Dans un style plus proche du témoignage, Axel Léotard dissèque sa vie au fil des pages de Mauvais genre que l'on lit comme un roman d'aventure, tant le périple humain de cet homme est audacieux.
Précurseur en le domaine, en 1987, Maud Marin, nous expliquait dans Le saut de l'ange, en plus des difficultés sociales, personnelles, médicales de son parcours, la complexité des démarches administratives pour être en règle avec son propre statut juridique après une réassignation sexuelle.
La guerre du genre
Mais cette guerre du genre a-t-elle une raison d'exister ? Et est-il bien raisonnable d'avoir peur des mots que l'on met sur un état de fait déjà présent, qui, comme nous l'avons vu plus haut est inhérent à la nature humaine ?
Dans La querelle du genre : faut-il enseigner le "gender" au lycée ?, Christian Flavigny dédramatise les passions nées d'idées reçues, et les a priori dramatiques que véhicule la peur de l'inconnu. C'est un ouvrage clé qui amène un éclairage nouveau, bat en brèche la peur de l'endoctrinement collectif. Un ouvrage dont la lecture sera complétée par le bref essai d’Emmanuel Pierrat, spécialiste du genre (et du genre) Comme un seul homme : droit, genre, sexe et politique.
Le genre et la personne
Avec la fiction, tout passe bien plus facilement
Une dernière approche du sujet peut s'effectuer par le biais de la fiction. Elle parle toujours plus facilement au plus grand nombre et touche plus que le témoignage car elle favorise l'empathie. Et même si l'histoire est parfois dure, crue, pesante, il en ressortira toujours une note positive. LA note que l'on gardera en mémoire inconsciemment et qui nous permettra d'avancer personnellement sur un sujet parfois sensible, souvent difficile à appréhender, mais extrêmement riche humainement.
Voici une sélection de documents qui dédramatise un débat qui n'a peut-être pas lieu d'être puisque comme le disait Rousseau « La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à ne pas être soumis à celle d'autrui ». Ainsi dans le respect d'un autre que l'on ne juge pas, si chacun reste libre de vivre comme il l'entend, il est peut-être préférable de préparer les enfants à toutes les surprises que la vie peut réserver à autrui... et parfois à soi-même que de combattre une société qui essaie tant bien que mal de rattraper le temps perdu sur un genre humain toujours surprenant.