Les 15e et 16e siècles sont les siècles de la Renaissance, une période de vie débordante, d'activité intense dans tous les domaines de la pensée et de l'action.
Aux sources de la Renaissance
La Renaissance : inventée, revisitée ou réelle ?
La « Renaissance » est inventée par l'historien de l'art Giorgio Vasari dès le 16e siècle. C'est alors un mot qui ne s'applique qu'à l'histoire de l'art, à l'Italie, voire à la seule Toscane. Ce n'est qu'au 19e siècle qu'il est récupéré et popularisé en France par l'historien Michelet. « Renaissance » est un concept, c'est à dire une idée abstraite ; le monde anglo-saxon, plus pragmatique, lui préfère « early modern » qui est une partie purement chronologique, concrète, de la période des « Temps modernes (16e, 17e et 18e siècles).
Ce découpage est pourtant pertinent : l'articulation entre l'histoire, sociale, politique, culturelle et économique fonctionne, à tel point que l'homme de l'époque a lui-même conscience d'être différent de celui du Moyen Âge et cherche à qualifier cette différence via l'humanisme ou les arts.
À science nouvelle, littérature et esprit nouveaux.
Les voyages de Christophe Colomb, de Vasco de Gama, de Magellan, les découvertes scientifiques et techniques (l'imprimerie qui permet une plus large diffusion des connaissances et des œuvres, l'anatomie et la chirurgie qui se développent grâce à Ambroise Paré passant outre l'interdiction de l’Église d'ouvrir le corps humain, le système de Copernic...) ouvrent des perspectives inédites à la pensée humaine, la révolutionnent.
Pour en savoir plus : dossier Inventions et Découvertes
L'humanisme
En France, l’Église verrouille les universités y imposant la mémorisation des dogmes plutôt que l'étude des textes, elle interdit ainsi tout développement de l’esprit critique. Certains érudits se tournent donc vers l'Italie où la Renaissance fleurit depuis la chute de Constantinople (1453) qui a favorisé l'afflux d’érudits grecs emportant avec eux des manuscrits anciens inaccessibles jusqu’alors. Linguistes, philologues, les déchiffrent et réapprennent à réfléchir et à penser par eux-même à partir de ces textes originaux. Ils se construisent donc une culture (en latin humanitas) et on les nommera bientôt les Humanistes.
Par la suite, le mot « humanisme » désigne toute une philosophie de vie, qui se caractérise par :
- Le retour à la culture antique et le goût des idées : les textes grecs et latins de l’Antiquité ainsi que les nouveaux savoirs sont diffusés dans toute l'Europe grâce à la découverte récente de l’imprimerie par Gutenberg (vers 1440-1450).
- La foi en l’Homme : les humanistes ont confiance dans la nature humaine et veulent rendre l’humanité meilleure. Grâce à ses connaissances et à sa curiosité, l’humaniste cherche à acquérir la sagesse.
- Une nouvelle pédagogie fondée sur l’imitation et sur la diversification des enseignements en lieu et place de la seule mémorisation de la théologie. En 1530, François Ier crée le Collège des lecteurs royaux (l’actuel Collège de France) où sont enseignées de nouvelles disciplines.
- La réflexion politique : les humanistes, qui sont des pacifistes, cherchent à construire une société idéale (Érasme, l’Utopie de Thomas More, Rabelais et Montaigne).
- Les débats religieux et le renouveau spirituel, par le retour au texte biblique : au lieu de s’en tenir aux commentateurs, les humanistes veulent un contact direct avec le texte de la Bible et des Évangiles.
Pour en savoir plus : dossier Humanisme
Erasme est l'exemple parfait de l'humaniste, philosophe autant qu'érudit : sa vie même symbolise cet esprit nouveau qui souffle par dessus les frontières (il naît à Rotterdam,vit en France, meurt à Bâle…). Pour lui, la sagesse n'a que deux sources : la littérature antique et la Bible, il leur applique à tous deux le principe de « retour aux sources » et critique donc l'ensemble des institutions médiévales. En ce sens, son œuvre permet de comprendre comment Humanisme et Réforme (protestantisme) sont liés dès l'origine.
L'invention de l'artiste
Libérés du mode vie féodal, les européens voyagent de cour en cour. Marchands, banquiers investissent des marchés à dimensions internationales. Les artisans en peinture, sculpture, etc., qui les accompagnent pour les servir sont entraînés par ce mouvement et se rencontrent, s'influencent, échangent, et reviennent chez eux riches de nouveaux acquis. Les plus doués se voient accorder une gloire et un statut social considérable, ce qui était impensable pour un artisan du Moyen Âge : l'artiste est né.
Les quatre faces d'une révolution
- L'apparition de la perspective révolutionne la composition picturale et pose les bases de la représentation pour les cinq siècles à venir, jusqu'à ce qu'au 20e siècle, le cubisme et l'abstraction mettent à bas ce système afin d'explorer de nouveaux horizons.
- L'humanisme permet également au portrait d'apparaître, genre jusqu'alors prohibé par le pouvoir religieux pour lequel l'individu n'avait pas d'importance en soi. Il côtoie la peinture d'histoire (scènes religieuses et mythologiques) chez les grands, désireux de laisser derrière eux une trace de leur existence.
- La mode de l'antique se retrouve dans tous les arts. Ce rapprochement de l'art païen et de la religion chrétienne témoigne d'une volonté particulière de l'homme de la Renaissance de rompre totalement avec le Moyen Âge en se parant d'une image rappelant la grandeur passée de l’Empire romain.
- Enfin la peinture à l'huile, issue de l'atelier de Jan Van Eyck, en Flandres, apporte aux artistes de l'Europe entière une technique qui leur permet de retoucher à plusieurs reprises les tableaux qui jusqu'alors étaient faits avec de la tempera (à base d’œuf) qui séchait très rapidement. Dès lors, la complexité d'exécution des dessins est libérée de toute contrainte.
Les deux visages de la beauté
Le visage italien
Les canons énoncés dans la philosophie d'Aristote et de Platon amènent la peinture italienne à une idéalisation de la beauté : les visages doivent être réguliers, les corps harmonieux, les traits équilibrés. Perfection dont témoigne l'homme de Vitruve de Léonard de Vinci, mis en image d'après les écrits de l'architecte romain du même nom. Cette recherche de la beauté idéale est sensée refléter la dignité humaine.
Le visage flamand
Si les Italiens proposent une peinture intellectuelle, réfléchie et philosophique, les Flamands traduisent avant tout les sentiments intérieurs à travers un dessin expressif et poétique. Leur version de la beauté se ressent dans des œuvres dont les figures semblent vivantes tant le souci du détail est travaillé. Les portraits ne sont pas idéalisés comme en Italie mais réalistes : rides, taches sur la peau, boutons et cicatrices ne sont pas épargnés aux modèles mais ce réalisme si particulier rend le sujet animé : l'âme est présente sous l'image où le beau s'exprime dans l'authentique.
Italie, centre du monde
Pour en savoir plus sur les Médicis.
Brunelleschi, pour une nouvelle architecture
La Renaissance trouve son origine à Florence, en Toscane, vers 1300. La ville connaît alors un formidable essor économique sous l'impulsion de la famille des Médicis grâce au commerce de la laine et de la toile. Une politique de grands travaux est lancée, où l'architecture occupe la première place. Elle contient et commande les autres arts : la sculpture la prolonge et l'orne de figures, la peinture la décore de fresques.
Parmi les architectes, Filippo Brunelleschi (1377-1446) occupe une place centrale et bouleverse de manière fulgurante cette discipline : il est le premier à emprunter consciemment des éléments de l'architecture gréco-romaine (pilastres, colonnes, frontons…), mais on lui doit aussi une des inventions majeures de la Renaissance : la perspective centrale. En 1425, il réalise une expérience avec un miroir qui lui permet de comprendre que, dans un dessin, le point de fuite n'est rien d'autre que le point de vue de l'observateur projeté dans l'image. Sa découverte marque le début intellectuel et artistique de la Renaissance. Il est aussi le concepteur du « Dôme de Florence », prouesse technique car réalisé sans arc de suspension.
Donnatello, pour une nouvelle sculpture
Le sculpteur le plus important est Donatello (1386-1466), élève de Brunelleschi. Profondément intéressé par l'homme et peu enclin à la spéculation intellectuelle, il impose un style réaliste d'une grande intensité dramatique. C'est pourquoi il est si important dans l'histoire de la sculpture : il a su dépasser à la fois l'influence gothique et et la leçon antique pour conquérir un naturalisme plus expressif qui peut couvrir une large palette émotionnelle (cf son David en bronze qui possède une souplesse inédite, à la fois spirituelle et sensuelle).
Génies à la pelle, pour une nouvelle peinture
C'est à Florence que Giotto a l'idée de libérer la peinture des canons de l'icône et de se rapprocher de ce qu'il peut observer dans le monde réel : des figures groupées dans une action qui prennent place dans des paysages et ne sont plus figées sur un fond doré : la peinture prend vie.
Dès lors, il existe un souci de cohérence entre le résultat visuel de l’œuvre et le sens de ce qui y est représenté. Le peintre doit donc posséder une maîtrise technique qui lui permette un mimétisme proche de la réalité, une érudition particulière qui lui permette d'intégrer des épisodes mythologiques ou religieux dans un décor et avec des costumes antiques et de maîtriser le message, politique ou religieux, qu'il est sensé transmettre et qui est prépondérant. Et tout cela en suivant une narration claire et intéressante !
Rome, la ville aux trois génies
Au début du 16e siècle, Rome est devenue le nouveau centre artistique italien. Seul Léonard de Vinci reste à l'écart des fastes et de l'opulence que connaissent les grands peintres de son époque, avant d'être appelé à la cour du roi François Ier à la fin de sa vie.
Au Vatican, s'affrontent Michel-Ange et Raphaël. Le premier, sculpteur avant tout, s'attache en peinture à un style aux contours prononcés et à une plastique des corps qui rappelle le volume de la sculpture. À l'opposé de Léonard, il ne s'attarde pas à faire ressortir l'âme de ses personnages. Raphaël, contrairement à son rival dont il adopte cependant le mouvement et la profondeur, s'exprime dans un style doux aux nuances subtiles qu'il a héritées de Pérugin et de Léonard de Vinci. Il atteint la perfection dans le dessin et est reconnu de son vivant comme le plus grand des peintres.
Ces trois génies ont laissé une impression si forte sur leurs contemporains que les artistes de la génération suivante devront chercher une expression picturale exagérée et artificielle afin de pouvoir s'affirmer : le maniérisme. Il s'épanouit à Venise (Tintoret, Véronèse,…) et signe le déclin de la Renaissance.
Artistes de la Renaissance : galerie subjective
Focus sur le plus énigmatique des peintre de la Renaissance : Jérôme Bosch (env. 1450-1516)
La plus grande partie de son œuvre est constituée d'images hors du commun dans lesquelles l'imagination débordante du peintre vient se mélanger à un langage métaphorique mystérieux et occulte. Marqué par le contexte d'austérité religieuse qui marque les régions les plus au Nord de la Hollande (qui vivent dans la crainte d'un Jugement dernier ressenti comme imminent), il exprime un sentiment de piété personnelle au travers d'une critique acerbe de son époque.