Savez-vous que la médiathèque de Châteauroux conserve précieusement un ouvrage à succés de la fin du Moyen-Âge ? Il s'agit d'un manuscrit copié sur parchemin vers 1460, qui a connu bien des péripéties...
Une histoire mouvementée
Sommaire :
- Historique
- Consultation des documents en ligne
- Description du projet d'interopérabilité
- Les étapes du projet
- Objectifs
Historique
Ce manuscrit, copié sur parchemin vers 1460, est un ouvrage à succès de la fin du Moyen Âge issu d'une traduction et d'une continuation d'une compilation réalisée à Saint-Denis au XIIIe siècle. Il a été confisqué pendant la Révolution française, soit à la communauté religieuse des Augustins de Châtillon-sur-Indre, soit au séminaire de Saint-Gaultier. Onze miniatures (sur vélin) ont été découpées dans ce manuscrit, vraisemblablement entre sa confiscation et son versement au catalogue de la Bibliothèque de Châteauroux.
Le manuscrit
Le manuscrit ainsi mutilé devient la propriété de la Bibliothèque de la Ville de Châteauroux créée en 1803 et installée le 21 août 1804 dans la salle du conseil de l'École centrale (ancien couvent des religieuses de la Congrégation Notre-Dame). Il est mentionné dans le catalogue de la Bibliothèque dès 1829.
Au cours d'une conférence sur les manuscrits de la Bibliothèque de Châteauroux reproduite à la fin du Catalogue des livres imprimés et manuscrits de la ville de Châteauroux (1880), Joseph Patureau le mentionne ainsi : « [ce manuscrit] compte ou plutôt comptait vingt-sept miniatures, car de véritables Vandales n'ont pas craint d'en détacher plus de la moitié, au mépris du texte, que nous possédons incomplet ». La première page (sur laquelle se trouvait soit une gravure en frontispice, soit une page de titre), n'existe plus. En effet, les 10 à 11 feuillets de la fin de l'ouvrage sont manquants. Entre les pages 12 et 13, une page entière a été découpée correspondant sûrement à une grande miniature.
En 1888, le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements. Tome IX . Châteauroux, propose cette description :
« Grandes chroniques de France du religieux de Saint-Denis […]
Fol.[folio] 13 : le texte est mutilé et ne commence qu'au deux tiers du chapitre II du livre I […] Il manque les 11 derniers chapitres du règne de Charles V. […]
XVe siècle. Parchemin. 463 feuillets à 2 col.[colonnes] 367 sur 272 milim.[millimètres]
Sur 28 belles miniatures qui ornaient ce manuscrit, 14 ont été enlevées.
[mention manuscrite en marge de l'ex. [exemplaire] de Châteauroux : « peut-être 15 (page de titre) »] »
Les miniatures isolées
Les onze miniatures découpées auraient tout d'abord intégré l'Abbaye de Chelles (Seine-et-Marne). Après la Révolution, elles se seraient retrouvées entre les mains de Jean-Jacques Delande, relieur à Paris (rue des Carmes). Dans les Archives Biographiques Françaises (ABF), on trouve : « Jean-Jacques Delande, relieur, reçu le 13 décembre 1776 ». Ce dernier les aurait cependant vendues au Cabinet des Estampes en 1835 pour 30 francs. Elles seront ensuite intégrées à un recueil factice qui comprend 4 autres miniatures extraites d'un livre d'heures flamand du dernier quart du XVe siècle acquises postérieurement à celles des Grandes Chroniques. Les onze vignettes ont été décollées de ce recueil, ce qui a fait apparaître le texte écrit au verso.
La reconstitution
Eberhard König dans son ouvrage Französische Buchmalerei um 1450 est le premier à faire, en 1982, le lien entre ces miniatures isolées et le manuscrit de Châteauroux, mentionnant leur présence à la réserve du Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France (BnF).
Il est difficile d'établir une correspondance entre les légendes des miniatures conservées aux Estampes et ce que représente les miniatures dans le manuscrit n°5, qui possède pour ancienne cote : B 244. Toutefois, grâce aux travaux de chercheurs comme Janine Péricard-Michel et Séverine Lepape, des propositions ont été faites pour reconstituer correctement le document original.
Consultation des documents en ligne
Consulter la numérisation du manuscrit.
Il est possible d'accéder aux 11 miniatures découpées. La correspondance légende/miniature a pu être faite grâce au Catalogue Collectif de France (CCFr), qui propose une notice par enluminure découpée avec un lien renvoyant vers le site de la BnF pour la visualiser.
- Fol. 34 : Chilpéric 1er
recto - verso - Fol. 46 : Gontran
recto - verso - Fol. 68 : Dagobert
recto - verso - Fol. 81 : Charles Martel
recto - verso - Fol. 85 : Pépin le Bref
recto - verso - Fol. 89 : Charlemagne
recto - verso - Fol. 416 : Jean II le Bon
recto - verso - Fol. 360 : Philippe IV le Bel
recto - verso - Fol. 54 : Clotaire II
recto - verso - Fol. 182 : Robert II le Pieux
recto - verso - Fol. 189 : Philippe 1er
recto - verso
Description du projet d'interopérabilité
L'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes (IRHT) et la BnF ont le projet de faire coïncider dans une même interface le manuscrit numérisé et conservé par la Médiathèque Équinoxe de Châteauroux et les 11 miniatures découpées, conservées et numérisées par la BnF rétablissant ainsi le manuscrit dans sa presque intégrité originelle, certains feuillets ayant totalement disparu.
Le visualiseur Mirador a été choisi pour réaliser cette prouesse technique. Il s'agit d'un prototype développé à l'université de Stanford utilisant des images provenant de multiples bibliothèques numériques et permettant d'interroger plusieurs entrepôts d'images en même temps. Ce concept d'interopérabilité, bien qu'expérimental, donnera la possibilité de consulter dans une même interface plusieurs manuscrits ou documents appartenant à des institutions différentes, hébergés sur des sites différents.
Les étapes du projet
Pour mener à bien le projet de reconstitution virtuelle du document, plusieurs étapes ont été envisagées. À chaque étape, des essais sont réalisés ou en cours de réalisation.
La première étape a pour objectif d'afficher les documents côte à côte : d'un côté, le manuscrit intégral de Châteauroux depuis la Bibliothèque Virtuelle des Manuscrits Médiévaux (BVMM) ; de l'autre, les 11 miniatures découpées depuis Gallica.
Le visualiseur Mirador a été utilisé pour faire la démonstration d'une telle présentation. Les miniatures sont visibles en recto/verso (miniature en recto / texte manuscrit en verso)
La deuxième étape s'intéresse à la reconstitution virtuelle plaçant les miniatures à la suite des folios desquels elles sont issues.
La dernière étape s'attachera à la reconstitution virtuelle du document original en plaçant cette fois-ci les miniatures découpées à leur endroit précis sur chaque folio (faisant correspondre recto et verso). Pour cette dernière étape, une maquette a déjà été réalisée : les double-pages du manuscrit apparaissent avec un emplacement vide, prêt à accueillir la miniature correspondante.
consultation des deux démos proposées par le Pool Biblissima (Observatoire du patrimoine écrit du Moyen Âge et de la Renaissance)
Objectifs
Ce projet donne en particulier une plus grande visibilité et unité aux documents ainsi mis en avant, valorise les travaux de recherche effectués autour de ce manuscrit et de ses miniatures et représente aussi une formidable vitrine du travail mené par les différentes équipes sur le plan technique. Cette nouvelle technique de repositionnement virtuel présente en effet de nombreuses potentialités, qui pourront être exploitées à l'avenir dans le cadre d'autres projets.