Alice au pays des Merveilles ou Alice's adventures in Wonderland est une fiction publiée en Angleterre en 1865 par les éditions Macmillan and Co, et traduite en français en 1869. Pourtant le texte entier est annoncé comme intraduisible à cause des nombreux jeux de mots et jeux de langage à la subtilité toute britannique. Malgré tout, le récit de Lewis Carroll a été traduit dans plus de 174 langues !
un des tout premiers livres écrits spécialement pour les enfants sans but moral ou didactique et c’est aussi le début d’un nouveau genre : la fantasy.
Son auteur s'appelle Lewis Carroll (1832-1898), pseudonyme de Charles Lutwidge Dodgson. Il est diplômé en mathématiques, matière qu'il enseigne au Christ Church College d'Oxford. Il est passionné de photographie. Son goût pour la photographie de fillettes de moins de 10 ans fait polémique. C'est suite à sa rencontre avec Alice Liddell, fille du doyen de l'université où il enseigne, qu'il invente une histoire au cours d'une promenade en barque. Alice et ses sœurs sont tellement enchantées de cette histoire qu'elles lui demandent d'en faire un livre, qu'il va écrire et illustrer lui-même. C’estLewis Carrol a fait les premiers crayonnés pour illustrer son manuscrit et c’est à Sir John Tenniel qu’il a confié la réalisation des gravures de la première édition.
Plus tard, il écrira une suite De l'autre côté du miroir, publiée en 1871.
En 1998, un exemplaire de la première édition a été vendu 1,5 million de dollars, ce qui est exceptionnel pour un livre pour enfants.
Alice au pays des merveilles
L'histoire
Alice, fillette d'environ 10 ans, s'ennuie auprès de sa grande sœur qui lit une histoire « sans images ». Soudain, poussée par la curiosité, Alice suit un lapin très pressé, passe dans un monde parallèle et tombe, tombe, tombe… pour atterrir sans mal dans une salle basse contenant des portes. Elle trouve une clé minuscule sur une table mais elle est trop grande pour passer la porte que cette clé ouvre. À travers une suite d'histoires sans lien les unes avec les autres, Alice change de taille et poursuit ses péripéties entre non-sens et absurde jusqu’à se retrouver sur le banc des accusés lors d’un procès auquel elle ne comprend rien.
La peur de grandir est suggérée par les nombreuses métamorphoses d'Alice. Tantôt trop grande, tantôt trop petite, mais dans quel but ? Trop grande, elle est coincée, elle ne peut plus rien faire. Trop petite, elle est emportée par le torrent de ses propres larmes. Il lui faut donc doser pour trouver la taille appropriée.
Tout au long du récit, Lewis Carroll s’adresse à sa lectrice, Alice Liddell puisqu’il a écrit cette histoire pour elle. Conformément à la pratique en milieu aisé au 19e siècle en Grande-Bretagne, l’enfant est vouvoyée. Le texte entier semble se présenter comme un apprentissage. Le maître s’adresse à son élève. Cependant on comprend vite que le récit est écrit pour divertir.
Quelques personnages illustrés par John Tenniel
Le Lapin Blanc, personnage épisodique et insaisissable. C’est lui qui entraîne Alice dans un drôle de voyage. Il est très bien habillé et porte une montre à gousset. Il est très en retard pour rendre visite à la Duchesse, une vieille dame sévère qui sera très en colère contre lui. Il pense que la Duchesse lui fera couper la tête pour le punir. C’est par curiosité qu’Alice le suit et tombe dans son terrier. La chute est vertigineuse. C’est le début du rêve d’Alice.
Le Dodo, il est appuyé sur une canne. Alice le rencontre dans le Lac de Larmes qu’elle a elle-même provoqué alors qu’elle était très grande et en pleurs. Le Dodo propose une « course en comité » pour se sécher rapidement. La piste de course est ronde et tout le monde gagne. Alice distribue des bonbons qui étaient dans sa poche. Le Dodo donne à Alice un dé qu’elle avait également dans sa poche. Le cadeau absurde qui lui appartenait déjà !
La Chenille. Dans son parcours, Alice rencontre la Chenille Bleue fumant le narguilé installée sur un champignon géant. Comme Alice souhaite grandir un peu, la Chenille Bleue l’informe que si elle mange un des côtés du champignon, il la fera grandir et si elle mange l’autre côté, il la fera rapetisser. Alice se sert d’un morceau de chaque côté.
La Duchesse Natricia, femme très petite et très laide, aussi désagréable que la Reine de Cœur. C’est le but du voyage du Lapin Blanc. La Duchesse porte un bébé qui hurle dans ses bras. Elle donne l’ordre à la cuisinière de trancher la tête d’Alice et lui lance le bébé. Alice s’enfuit, tenant le bébé, qui se transforme en cochon, elle le dépose et il s’en va au trot…
C’est dans cette maison qu’apparaît pour la première fois le Chat du Cheshire avec des yeux verts et un « gentil sourire ».
Le Chat du Cheshire, le moins fou de l'histoire. Un peu effrayant avec toutes ses dents, il est perché sur un arbre, au-dessus d’Alice,. Face au chat, la posture d’Alice est très sage, mains derrière le dos. C’est lui qui recommande à Alice d’aller à la fête de non-anniversaire. A la fin de la conversation, il disparaît très lentement en finissant par son étrange sourire. Cheshire peut-être parce que Lewis Carroll est né dans le canton du Cheshire.
Le Lièvre de Mars, prenant pour l'éternité le thé avec le Chapelier fou. Il a à sa table, le Chapelier Fou et le Loir endormi. Le texte dit que les brins de paille sur sa tête prouve qu’il est fou.
Le Chapelier fou, seul personnage annonçant directement à Alice sa propre folie. Il transporte, sur sa tête, ses chapeaux à vendre avec leur prix. A la table du Chapelier, la règle est d’avancer d’une place régulièrement. Ainsi, chacun se retrouve, un moment donné, à la place de l’autre. Le thé est pris sans fin par le Chapelier Fou, le Lièvre de Mars et le Loir endormi.
La Reine de Cœur, tyrannique et cruelle, qui ne pense qu'à couper les têtes. Quand Alice arrive dans les jardins de la Reine, les jardiniers sont des cartes vivantes qui recouvrent de peinture rouge des roses blanches plantées par erreur.
La Reine de Cœur est « d’une férocité épouvantable » et répète, sans être obéi, « qu’on leur tranche la tête ! ».
Alice est invitée à jouer au croquet. Les boules sont des hérissons et les maillets des flamands roses, tous vivants.
Au tribunal, c’est le Roi de Cœur qui est juge mais la Reine est près de lui. On lui a volé ses tartes. Le coupable est le Valet de Cœur.
À l’issue du procès, Alice réplique « Qui fait attention à ce que vous dites ? Vous n’êtes qu’un paquet de cartes ! ». Les cartes se mettent alors à voler dans tous les sens et Alice se réveille.
De l’autre côté du miroir
De l’autre côté du miroir est la suite d’Alice au pays des Merveilles dans laquelle Alice évolue et devient reine. De même, le cadre de la première histoire est le jeu de cartes, celui de la deuxième histoire est le jeu d’échecs. On reste dans le jeu, les jeux de mots et de langage.
Il a été traduit en France en 1930.
L’histoire
Alice est assise dans un fauteuil avec un chat sur ses genoux, elle lui dit « je vais te dire tout ce que je pense de la Maison du Miroir. D’abord, il y a la pièce que tu peux voir dans le Miroir… Elle est exactement pareille à notre salon, mais les choses sont en sens inverse. Je peux la voir tout entière quand je grimpe sur une chaise… tout entière sauf la partie qui est juste derrière la cheminée. Oh ! je meurs d’envie de la voir !... » En disant cela, Alice se retrouve debout sur le dessus de la cheminée. Un instant plus tard, elle a sauté dans la pièce du Miroir.
Elle y découvre un monde à l’envers (pour arriver quelque part, il faut s’en éloigner ; en voulant s’éloigner, on reste au même endroit ; on ne se souvient que de ce qui va arriver ; les livres sont écrit à l’envers, il faut regarder le texte dans un miroir pour comprendre les mots…). C’est sur un échiquier dont les règles servent de support à tout le récit, qu’Alice devient elle-même une pièce de l’échiquier et qu’elle évolue et rencontre une galerie de personnages, parfois issus de l’échiquier.
Tout au long des péripéties, de pion, elle devient reine. C’est un récit dans lequel elle évolue, contrairement à Alice au pays des merveilles où elle reste la même du début à la fin, alors même qu’elle se transforme physiquement.
Quelques personnages illustrés par John Tenniel
On y découvre des fleurs qui parlent et une kyrielle d’animaux et d’insectes.
La Reine Rouge et le Roi Rouge, le Roi Blanc et la Reine Blanche, le Chevalier Blanc représentent des pièces d’échec.
Certains viennent des Nursery Rhymes (comptines anglaises), comme Humpty-Dumpty, l’œuf, personnage imbu de lui-même avec qui Alice a une longue conversation. Il provient d’une ancienne devinette dans une chansonnette anglaise datant de 1797. Sur l’illustration de John Tenniel, l’œuf porte une cravate qui lui a été offerte lors d’un non-anniversaire par le Roi Blanc et la Reine Blanche.
Tweedledum et Tweedledee, appelés aussi en français Bonnet-blanc et Blanc-bonnet, des jumeaux qui ne répondent jamais à la question d’Alice qui leur demande comment sortir de la forêt. Ils sont devenus synonymes de personnes agissants de la même façon, un peu comme les Dupondt dans Tintin.
Ils déclament une poésie sur des huîtres invitées à un repas par le Charpentier et le Morse et qui leur servent de repas.
Alice influenceuse
Adaptation au cinéma par Walt Disney
Walt Disney a énormément contribué à la popularité du personnage d'Alice dans le monde entier.
Il adapte l’histoire de Carroll en dessin animé et reprend les idées de Sir John Tenniel sur le physique d’Alice : blonde, jupe bouffante et tablier. Sorti en long métrage d'animation en 1951, Alice au pays des Merveilles rassemble les deux romans de Lewis Carroll.
Comme à son habitude, Disney interprète les textes originaux à sa façon. Le dessin animé a failli comporter une histoire d'amour entre Alice et le Chevalier Blanc (apparaissant à la fin de De l'autre côté du miroir).
Devant la multitude de personnages, Disney a limité son choix et pris quelques libertés dans les attributions de dialogues comme les non-anniversaires, simplement évoqués par Humpty-Dumpty lors de sa rencontre avec Alice dans l’œuvre de Lewis Carroll, et qui prennent une place importante pendant la séance du thé entre Alice, le Lièvre de Mars et le Chapelier Fou dans l’œuvre de Walt Disney.
De même, dans le dessin animé, il n'y a qu'une Reine de Cœur mais pas de Reine Blanche et le Chat du Cheshire prend une importance qu'on ne retrouve pas dans l’œuvre de Carroll. Il suit Alice jusque dans les jardins de la Reine de Cœur. Son physique rayé est aujourd'hui connu de tous les enfants.
Autres adaptations cinématographiques
Alice a grandi dans Alice au pays des Merveilles de Tim Burton en 2010 ainsi que dans la série télévisée Once Upon a Time in Wonderland.
Au Japon
Le personnage d’Alice remporte un franc succès au Japon et influence la pop culture :
- cosplay ;
- style vestimentaire Lolita (calqué sur les robes de la fin du 19e siècle à l’époque victorienne et le style rococo) qui fait ressembler les jeunes filles à des poupées.
Cela a un impact sur la vision des femmes au Japon. De femme docile et obéissante, la jeunesse féminine japonaise s’émancipe grâce à un style fort et assumé qui contraste avec la Lolita « mignonnette » et fragile. Plutôt que devenir femme ou mère obéissant au carcan institutionnel, les jeunes japonaises préfèrent calquer leur physique et leur caractère sur celui d'Alice et profitent de l'innocence qu'elle peut laisser paraître pour résister au système et atteindre leur indépendance. Ainsi, Alice représente une figure importante du féminisme.
Le personnage d’Alice est reconnu comme une jeune fille modèle. De plus, elle est capable de se sortir de toutes les situations difficiles au Pays des Merveilles malgré son âge ou son apparence.
C'est cette force qui a fait naître, grâce à sa popularité, un nouveau genre littéraire fantastique au Japon : l’Isekai, l’art de passer, pour n’importe quel personnage, dans un autre monde ou un monde parallèle pour avoir une vie plus excitante, un genre beaucoup utilisé dans les mangas.
Alice, publié pour la toute première fois en 1910 sous le titre Ai-chan no yumemonogatari (« Le songe de la petite Ai »), a eu depuis, près de 1 300 éditions différentes.
C'est à partir du long métrage de Disney que le personnage se démocratise vraiment et devient un classique incontournable au Japon.