Kiarostami, mon ami

L’oeuvre du cinéaste iranien Abbas Kiarostami a été révélée en France en 1990 avec Où est la maison de mon ami ?, Close-up, Et la vie continue, confirmée avec Au travers des oliviers, son premier succès public, sorti en 1995, et consacrée aux yeux du monde entier, avec Le Goût de la cerise, qui a remporté la Palme d’or à Cannes en 1997. Une reconnaissance internationale qui ne l'a pas fait dévier de sa voie et de sa recherche artistique...

« Le réel a toujours une puissance de fiction et de poésie
qui me porte et stimule mon activité créatrice »

Abbas Kiarostami

Sa biographie

kiarostami© REUTERS/Max RossiNé le 22 juin 1940 à Téhéran, Abbas Kiarostami ne fut pas, à l'école, un bon élève car il préférait, de beaucoup, dessiner et peindre. À dix-huit ans, il gagne sa vie comme employé, la nuit, à l'administration de la circulation routière. Dans la journée, il étudie la peinture à la Faculté des beaux-arts

Il commence à monnayer ses talents de dessinateur en concevant des affiches, des couvertures de livres, puis en travaillant pour une société de production de films publicitaires. Il écrit et réalise, de 1960 à 1969, plus de 150 spots qui sont jugés d'excellente qualité, technique et artistique, mais peu commerciaux. "Ce sont les clips publicitaires et l'art graphique qui m'ont appris le cinéma." reconnaîtra plus tard Kiarostami qui, en 1969, fonde au sein de l'Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes (le "Kanun") un département cinéma. Il y tourne d'abord des courts métrages de fiction dont les protagonistes sont des enfants filmés dans leur quotidien, en famille ou à l'école.

Le premier de ces courts métrages, Le pain et la rue, est présenté avec succès aux festivals de Moscou et Venise et attire l'attention de la critique internationale sur son auteur. Durant toutes les années 70 et 80, le monde de l'enfance est le sujet presque exclusif du cinéma de Kiarostami notamment du Passager (1974), son premier long métrage, de Où est la maison de mon ami ? (1987), couronné au Festival de Locarno et de Devoirs du soir (1989) qui donne la parole à des enfants interrogés sur la surabondance de travail scolaire à effectuer à la maison.

Dans les années 90, Kiarostami bénéficie d'une certaine libéralisation du sytème politique iranien et tourne des films où les enfants, bien que toujours présents occupent une place marginale. Le pessimisme foncier du metteur en scène est contrebalancé par une croyance indéfectible dans les pouvoirs du cinéma.

Kiarostami continue en effet de vivre à Téhéran malgré ses déboires croissants avec le pouvoir, le jeu continuel de rapports de force et de négociations. Il refuse d'en partir bien que chacun de ses films ne soit projeté que dans une salle en périphérie de la ville. Cette projection permet aux journalistes d'écrire que ce n'est pas du cinéma, que c'est nul et que ça n'intéresse personne.

Lorsque Le Goût de la cerise (1996) est sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes, il est bloqué pour non-respect du code de la censure qui indique très clairement et très longuement tout ce qu'il ne faut pas faire et notamment parler de suicide. Cependant, la veille du palmarès, Téhéran lâche le film. Présenté le soir même, il obtient le lendemain la Palme d'or. A Cannes, Kiarostami embrasse la présidente du jury et, lorsqu'il arrive à Téhéran, où aucun journaliste n'a dit qu'il avait obtenu la Palme d'or, ils sont 50 personnes à lui jeter des pierres. Les jets de pierre continueront longtemps dans son jardin...

Avec Le vent nous emportera (1999), primé à la Mostra de Venise, Kiarostami aborde le thème de la dignité au travail, entre rural et urbain, entre femmes et hommes. En 2000, c‘est le festival du Film de San Francisco qui remet au cinéaste un prix pour l'ensemble de sa carrière et son style poétique. Quelques années plus tard, il entraîne le spectateur au coeur du processus créatif de ses films avec 10 on ten, avant de participer au collectif de Chacun son cinéma, avec tous les autres palmés à l'occasion de l'anniversaire du festival de Cannes de 2007. C'est là qu'il propose à Juliette Binoche de tenir le premier rôle de sa future Copie conforme (2010). En 2010, Abbas Kiarostami revient dans les salles avec Shirin, contant l'histoire de 140 personnes assistant à l'adaptation théâtrale d'un poème iranien du 12e siècle.

Kiarostami est non seulement cinéaste mais aussi photographe et poète et pour lui la question de savoir qu'est-ce qu'être artiste passe par le fait de rester un artiste dans son pays. Pourtant, comme tous les cinéastes, il a été reconnu en France où sont les instances de légitimation (Cahiers du cinéma, critique et coproductions). L'institut Kanun reste toujours aujourd'hui l'un des commanditaires de ses films même si la coproduction avec la France par MK2 est devenue majoritaire.

sources : Le Ciné-club de Caen et Allocine

Ses principaux films à la médiathèque

Le passager (1974)

le passagerUn jeune adolescent de province passionné de football décide de monter à la capitale pour assister à un match important. Avec l'aide de son ami, il fait l'impossible pour réunir l'argent nécessaire... C'est le premier long métrage de Kiarostami.

Où est la maison de mon ami ? (1987)

ou est la maison de mon amiUn écolier s'aperçoit, alors qu'il se prepare à faire ses devoirs, qu'il a rapporté chez lui par erreur le cahier d'un camarade de classe. Sachant que son camarade risque d'être renvoyé s'il ne rend pas ses devoirs sur son propre cahier, il part à sa recherche. Mais la route est longue et difficile, l'adresse imprécise, et le temps bien court jusqu'au lendemain où les devoirs devront être rendus...

C'est le premier volet de ce que l'on appelle laTrilogie de Koker, suivi de Et la vie continue et Au travers des oliviers.

Close-up (1990)

close upPrétendant être le réalisateur Mohsen Makhmalbaf, Ali Sabzian s'intègre dans une famille iranienne. Mais le vrai réalisateur va être mis au courant … Ce film constitue un joyau éclatant et un bouleversant objet qui fait se percuter le réel et son simulacre avec une puissance rarement atteinte. Close-Up est un magistral traitement du rapport entre fiction et documentaire, c’est aussi, et surtout, une méditation pleine de sagesse sur la justice.

Et la vie continue (1992)

et la vie continueEn 1990, un tremblement de terre dévaste le nord de l'Iran. Un cinéaste, accompagné de son fils, revient sur les lieux qui furent ceux du tournage de son film précédent.

En l'occurrence, il s'agit de la transposition de l'histoire vraie du cinéaste Abbas Kiarostami qui avait tourné Où est la maison de mon ami ? à l'endroit même où le tremblement de terre a eu lieu plus tard. Sur place, il ne trouve que ruines, deuil, désolation. Et pourtant, il demeure un furieux élan pour que la vie continue. Comme si rien ou presque ne s'était passé...

Au travers des oliviers (1994)

au travers des oliviersUne équipe de cinéma s'installe, parmi les oliviers, dans un village du nord de l'Iran qui vient d'être dévasté par un tremblement de terre. Keshavarz, le réalisateur du film, qui s'intitule Et la vie continue, est à la recherche de ses acteurs. Le cinéma fait rêver les enfants d'une école. Ils participeront à la production ou assisteront au tournage. Le réalisateur retient Tahereh et quelques-unes de ses amies. Hossein, un jeune maçon, est engagé comme assistant. Il remplace l'acteur amateur qui devient bègue dès qu'il s'adresse à une femme...

Le goût de la cerise (1997)

le gout de la ceriseUn homme âgé d’une cinquantaine d’années, désespéré, se met en quête de quelqu’un qui accepterait, moyennant finances, de l’enterrer après qu'il se soit tué. Dans la banlieue de Téhéran, il rencontre une série de personnages, dont un soldat, un séminariste et un employé de musée. Chacun réagit à sa proposition de manière différente.

Ce film a obtenu la Palme d'or au Festival de Cannes en 1997.

Le vent nous emportera (1999)

le vent nous emporteraUne équipe de tournage arrive à Siah Dareh, village du Kurdistan iranien, pour réaliser un documentaire sur une pratique locale en usage lors des cérémonies de deuils. Une centenaire, Madame Malek, est sur le point de mourir. Les membres de l’équipe attendent cette mort, secrètement et impatiemment, ne mettant qu’occasionnellement le nez hors de leur chambre...

Ten (2002)

tenUn huis clos, une voiture. Une femme au volant qui prend des passagères.

Dix séquences de la vie émotionnelle de six femmes et les défis qu'elles rencontrent dans une étape particulière de leur vie, qui pourraient aussi bien être dix séquences de la vie émotionnelle d'une seule et unique femme...

Copie conforme (2010)

copie conformeItalie, en Toscane. Un écrivain anglais rencontre une Française et part avec elle à Lucignano.

Dirigeant pour la première fois des comédiens professionnels, Kiarostami joue pendant les deux tiers du film de l'incertitude d'une trame narrative permettant aussi bien de penser que l'auteur d'un ouvrage sur l'art et ses copies passe une journée avec son épouse ou qu'il s'ajuste au jeu provocateur d'une femme pleine de désirs.

Ce film a été en compétition au Festival de Cannes 2010 et a valu à Juliette Binoche le Prix d'interprétation féminine.