Michaël Gaumnitz, peintre des ruines

Une plongée dans l'univers du vidéo-peintre Michaël Gaumnitz, marqué par des pans indicibles de l'histoire de la France et de l'Allemagne, ses deux pays... Une oeuvre stupéfiante à découvrir.

Son parcours

Son père, allemand, était dessinateur et peintre mais a abandonné cet art, après son arrestation par les nazis comme opposant politique. Quelques années après la fin de la guerre, sa famille a quitté l'Allemagne pour s'installer dans les Ardennes, à Sedan. Il n'a qu'un an et demi lorsqu'il arrive en France.

Son père tente de le dégoûter de la peinture. À 14 ans, à la sortie du collège Turenne de Sedan, il est mis en apprentissage en cuisine puis dans une charcuterie industrielle.

Des rencontres le font revenir à la peinture puis à la vidéo. Après avoir exercé différents métiers dont celui de cuisinier ("je trouve beaucoup de parallèles entre la cuisine et la vidéo" dira-t-il des années plus tard), il suit une formation à l’École des Beaux-Arts de Berlin puis de Paris. Il fait ses débuts de vidéo-peintre à l'INA, puis illustre le courrier des téléspectateurs de La Sept (l'ancêtre d'Arte).

Il réalise de nombreux films documentaires pour la télévision, en faisant souvent appel à la palette vidéo-graphique qui lui permet de développer une dimension imaginaire au sein du cinéma documentaire. Il participe à un renouvellement en France de la production documentaire, avec Pierre-Oscar Lévy, Jean-Paul Fargier, Alain Bergala, et le précurseur Jean-Christophe Averty à qui il a consacré une de ses œuvres.

Son rapport à l'Allemagne, que ses parents ont quittée, puis retrouvée dans les années soixante, nourrit ses films les plus personnels :

L'Exil à Sedan, réalisé à 49 ans et qui lui a valu plusieurs prix. C'est une enquête sur son père, rescapé des camps nazis, qui a déversé sur sa famille sa rage d'être allemand, et qui venait de mourir.

Premier Noël dans les tranchées, sur la fraternisation entre soldats français et allemands lors du premier Noêl de la première guerre mondiale.

1946, Automne allemand, à partir d'un récit de Stig Dagerman sur l'Allemagne au lendemain de la guerre.

Peintre et fasciné depuis l'enfance par l'univers de la peinture, il a réalisé de nombreux films documentaires sur des peintres, tels Paul Klee, ou Odilon Redon. Ce dernier s'intitule : Odilon Redon, peintre des rêves.

Entre deux films, il reprend ses pinceaux et retourne à ses peintures. Son atelier est perché en haut de la Ruche, passage de Dantzig (!), à Paris. C'est une cité d'artistes installée dans une rotonde de l'Exposition universelle de 1900. Y passèrent Chagall, Modigliani...

Sources : Wikipedia et Télérama

1946, automne allemand

2009, 1h17, couleur, documentaire

image automne allemand

En cet automne 1946 où se tiennent les premières élections libres depuis l’avènement du IIIe Reich, Stig Dagerman, jeune écrivain et journaliste suédois, parcourt l’Allemagne en ruines. Il en rapportera Automne allemand, où le témoignage sur la situation matérielle et morale du pays sous-tend une réflexion forte et troublante sur l’angoisse, la haine, la culpabilité. Le film du peintre cinéaste Michaël Gaumnitz se fonde sur ce recueil d’articles.

Qu’il sillonne les décombres, monte dans un train, pénètre dans la cave où vit une famille, suive un débat public ou assiste à un Spruchkammersitzung (session d’un tribunal de dénazification), le regard que porte Dagerman sur l’Allemagne de 1946 est résolument placé à hauteur d’homme. Aussi, dans ses reportages, l’empathie à l’égard des personnes qu’il rencontre, ce qu’il appelle “la compassion”, n’est jamais sacrifiée à la rigueur de l’analyse.
Cette dimension humaine, remarquable dans son livre, est celle que Michaël Gaumnitz a privilégiée. En reconstituant le périple effectué par l’écrivain, il a voulu en effet, donner corps et visage à ceux que celui-ci avait croisés sur sa route. Par un subtil montage d’archives filmiques et radiophoniques, il a donc illustré, parfois prolongé, les propos de Dagerman – dont de larges extraits sont lus en voix off. Et, sur ce tissu littéraire et documentaire, il a projeté graphiquement, dessiné et animé, littéralement “imaginé” des visages.

De “la genèse de l’image” dans 1946, automne allemand

Avec 1946, automne allemand, il signe à nouveau une réalisation d’une grande puissance formelle. Le film se présente, en effet, comme un montage alterné de séquences exclusivement graphiques ou picturales, et de documents d’époque, cinématographiques ou photographiques, qui émanent de divers fonds d’archives (allemands, anglais, français ou américains) et qui tous ont fait l’objet d’un traitement particulier – effets de cadrage ou recadrage, zooms, balayages, colorisations partielles… et surimpressions ou inserts d’images graphiques, le plus souvent animées. “Sur des images graphiques, on écoute particulièrement bien le texte”, explique Michaël Gaumnitz. Un texte qui cite de larges fragments d’Automne allemand de Stig Dagerman, dans lesquels s’insinuent les commentaires de quelques “actualités filmées” datant de 1945-1946.

Par ailleurs, si 1946, automne allemand est pour l’essentiel en noir et blanc – comme le sont les documents qui le composent, restitués dans leur sécheresse et leur violence parfois –, l’introduction de lignes et d’aplats rouges, en particulier dans les séquences qui accompagnent l’évocation des tribunaux de dénazification, ou dans celles qui retracent le parcours effectué par Dagerman à travers l’Allemagne de 1946, est le moyen subtil qu’a imaginé le réalisateur pour “déployer”, en arrière-plan de son film, les couleurs et le drapeau du IIIe Reich.

Du point de vue de l’écriture comme du discours filmiques cependant, l’aspect le plus remarquable de ce documentaire tient dans les visages que Michaël Gaumnitz a donnés aux personnes rencontrées par Stig Dagerman lors de son périple. Des visages qui “posent la subjectivité”, explique-t-il – aussi bien celle de l’écrivain suédois que la sienne propre – et qui, du même coup, donnent un surcroît d’humanité à un documentaire qui, sans cela, aurait été “beaucoup plus dur, glacial même”. Ainsi, le film comme les écrits et la pensée de Dagerman sur lesquels il se fonde parviennent à atteindre plus directement, plus profondément le spectateur.

Remarquable également, le procédé que Michaël Gaumnitz a déjà éprouvé dans ses réalisations antérieures et qui constitue en quelque sorte sa “signature” artistique – un procédé qu’il a lui-même mis au point et à propos duquel il se réfère à Van Gogh et surtout à Giacometti. Ce “moyen d’expression” consiste, grâce à l’outil informatique, à faire apparaître la “genèse de l’image”, c’est-à-dire à rendre visibles toutes les étapes de sa création – la succession des traits de “crayon”, des touches de “pinceau” –, avec ses errements et ses repentirs. “Dire des choses en peinture m’aide à comprendre, dit encore Gaumnitz... Je pars d’un point et ce point se développe, comme une petite graine dont on ne sait pas à l’avance ce qu’elle nous réserve – une fleur, une plante, un fruit peut-être ou un arbre (…). C’est une démarche comparable à celle de la nature… ou de l’inconscient.” Mais aussi, vis-à-vis de ce médium hautement technologique qu’est la palette graphique, “le graphisme humanise, il ramène de l’artisanat: il y a un visage, et il y a une main derrière qui dessine ce visage”.

Source : Myriam Bloedé (Images de la culture)

Les autres films à la médiathèque

D'après nature (1994)

d apres natureL'histoire d'un fruit ou d'un légume, racontée sous une forme humoristique, laissant apparaître, en guise de point final, une peinture, un tableau de maître en rapport avec le fruit ou le légume présenté.

Exil à Sedan (2002)

exil a sedanEn 1947, Walter Gaumnitz, rescapé des camps de la mort, quitte l'Allemagne et s'installe à Sedan, là où la haine anti-allemande est profonde… Son fils réussit, à travers les témoignages, à mettre à nu le lourd secret de cet homme qui fut contraint de peindre les orgies des SS...

Premier Noël dans les tranchées (2005)

premier noel dans les trancheesMoins de six mois après le début de la Grande guerre, des soldats ennemis, épuisés par les horreurs et l'absurdité de cette tuerie, "fraternisent". Michaël Gaumnitz, réalisateur français d'origine allemande, ressuscite cet épisode oublié et décrit minutieusement le quotidien des combattants de 14-18.

Odilon Redon, peintre des rêves (2011)

odilon redonUne exposition Odilon Redon est prévue aux Galeries nationales du Grand Palais à Paris du 23 mars au 20 juin 2011… C'est le peintre de l'art symboliste… Quand ses contemporains, Monet, Renoir ou Cézanne s'intéressent à la conquête de la lumière et à la nature, Odilon Redon revendique les droits de la vie intérieure…